No(s) Futur(s). Genre : bouleversements, utopies, impatiences

LE CONGRÈS

L’Institut du Genre organise du 4 au 7 juillet 2023 son 3e Congrès international sur les études de genre, en partenariat avec l’Université Toulouse Jean Jaurès. Ce moment fort est l’occasion de réunir les chercheuses et chercheurs du monde entier pour proposer un moment de réflexion sur la place et la forme du ou des futurs et de leur dimension genrée dans nos sociétés, présentes et passées, occidentales et extra-occidentales.

Un appel à contributions est ouvert jusqu’au 30 septembre 2022   –>  Soumettre une proposition

APPEL À CONTRIBUTIONS : THÉMATIQUE

No(s) Futur(s). Genre : bouleversements, utopies, impatiences.

Ce n’est guère le rôle des sciences humaines et sociales d’être optimistes ou pessimistes. Néanmoins, depuis nos débats sur « genre et émancipation » lors du congrès d’Angers en août 2019 dans le contexte du mouvement #metoo et des nombreuses mobilisations féministes et LGBTQI +, le contexte s’est alourdi. Une longue pandémie a bouleversé notre rapport à la mort, à l’intimité, à l’espace, aux autres. Les changements environnementaux et climatiques menacent de nombreuses populations dans la quasi indifférence des gouvernements. Les démocraties sont attaquées de toutes parts et sur tous les continents. La guerre, déjà présente en plusieurs endroits du monde, est aujourd’hui sur le continent européen. Notre rapport au temps est bouleversé, en même temps que les attentes, les espoirs et les inquiétudes qu’il est possible ou souhaitable d’y greffer.

Dans ce moment d’interrogations et de mobilisations multiples dont les études de genre sont partie prenante, nous souhaiterions proposer un moment de réflexion sur la place et la forme du ou des futurs et de leur dimension genrée dans nos sociétés, présentes et passées, occidentales et non-occidentales. Il ne s’agit pas seulement d’envisager le futur comme une projection scientifique et technique, modelée notamment par les réseaux sociaux, mais aussi de laisser toute leur place aux réagencements des pratiques sociales ordinaires, imaginaires, peurs, espérances et impatiences qui habitent et modifient le temps. Et il importe également de rendre compte des violences et des rapports de force auxquels les bouleversements en cours ou exigés se heurtent.

Les futurs peuvent être ceux d’aujourd’hui pour demain mais aussi les « futurs du passé ». Ainsi les utopies comme les dystopies traduisent doutes ou convictions face à un futur genré : d’une Cité des Dames débarrassée dès 1405 par Christine de Pisan des violences masculines jusqu’à l’absolue domination patriarcale que subissent les servantes écarlates de Margaret Atwood ou à la figure de la cyborg de Donna Haraway qui inspire certains féminismes contemporains.

Les futurs sont aussi des lieux d’expériences et de consciences de ce qui change, qui génèrent autant de regrets d’un âge d’or que de volonté d’une table rase. Qu’ils se constituent en horizon unifié, en futurs concurrents ou successifs, qu’ils soient lourds de promesses ou de menaces, les futurs donnent lieu à des exigences, des impatiences, des revendications.

Les futurs hantent également nos pratiques de chercheur·e·s, nos manières de penser le genre. Comment avons-nous besoin de nous projeter dans un avenir, pour faire œuvre scientifique ? Que fait chacune de nos disciplines du pronostic, de la prévision, du changement social ou plus simplement de l’horizon d’attente de chacune ou chacun d’entre les chercheur·e·s travaillant sur le genre ? Quel objet est le futur, ou le rapport aux futurs pour nos disciplines ? Quel(s) futurs ouvrent les mobilisations actuelles ? Quels nouveaux enjeux politiques émergent aujourd’hui ?

Ce sont ces futurs, pensés-refoulés de toutes nos disciplines, que nous voulons appréhender à l’occasion de ce Congrès. Ils pourront notamment, mais pas exclusivement, être abordés depuis les axes de problématisation déclinés ci-dessous.

Ouvert à toutes et à tous, jeunes chercheur·e·s ou chercheur·e·s confirmé·e·s, ce congrès articulera séances plénières et ateliers. Les propositions peuvent prendre la forme de communications individuelles ou d’ateliers coordonnés par un·e ou deux responsables.

 

MODALITÉS PRATIQUES

Les soumissions (un seul dépôt en tant que 1e auteur·e) se font exclusivement en ligne : 
https://congresgenre23.sciencesconf.org/submission/submit

  • Format des propositions individuelles : un résumé de 2 000 caractères précisant la méthodologie et les sources, éventuellement les résultats provisoires, la discipline principale. En complément, un résumé de 1 000 signes destiné au programme si la communication est retenue. (Tous les résumés doivent figurer sur un document unique en format PDF)
  • Format des propositions d’atelier : un résumé de la problématique générale de l’atelier en 1 500 caractères, ainsi que les résumés en 1 500 caractères des 3 communications composant l’atelier. Attention : les participant·e·s (responsable(s) et communicant·e·s) ne peuvent pas tout·e·s appartenir à une seule institution. (Tous les résumés doivent figurer sur un document unique en format PDF)

Les propositions de communications individuelles et d’ateliers préciseront, le cas échéant, à quel(s) axe(s) de problématisation proposés par le texte de cet appel elles se rattachent.

> Date limite de dépôt des propositions : 30 septembre 2022 à minuit.

> Réponse du comité scientifique : fin novembre 2022. 

APPEL À CONTRIBUTIONS : AXES THÉMATIQUES

La thématique pourra être traitée, entre autres, selon les axes de problématisation suivants (il s’agit des axes prioritaires de l’Institut du genre et de la structure collaborative de recherche ARPEGE de l’Université Toulouse Jean Jaurès) :

Axe 1. Environnement – Alimentation – Développement 

Les crises qui affectent notre monde commun font système. Cet axe propose d’analyser, à partir de la situation des femmes et des rapports sociaux fondés sur le genre, l’idée de soutenabilité des modèles de développement, comme y invite l’écoféminisme qui dénonce l’articulation structurelle entre capitalisme et patriarcat. Les luttes féministes s’opposent aux politiques de développement qui affectent conjointement et cyniquement ce qui fait société : la diversité des manières de produire, d’échanger, de se nourrir, de penser nos rapports à ce qui nous environne, le monde vivant et non vivant. L’écologie politique féministe assume de repenser collectivement et politiquement l’environnement à travers les rapports sociaux de genre. Face aux crises et à leur analyse, le Congrès ouvre un espace et un temps de dialogues entre actrices et acteurs des politiques publiques, chercheuses et chercheurs, et personnes engagées dans des mouvements sociaux dans les Nords et les Suds. Un enjeu majeur de cet axe est de penser comment les études de genre peuvent structurer nos futurs univers de recherche et de collaboration, entre sciences du vivant, sciences sociales de l’environnement, de l’alimentation, de la santé environnementale ou du développement.

Axe 2. Santé – Vieillissement – Vulnérabilités – Care

La pandémie de COVID-19 a montré à quel point les préoccupations sanitaires peuvent devenir prégnantes dans la recherche, dans les relations sociales ou dans les politiques publiques, notamment pour ce qui concerne les populations vulnérables. Mais cette médicalisation n’a pas attendu 2020 pour s’étendre au champ plus large de la santé. Depuis une trentaine d’années en effet, un basculement de nombreux problèmes publics du côté de la santé et de la santé publique est manifeste. Ainsi par exemple, le travail s’énonce-t-il de plus en plus dans les termes de la santé et du bien-être au travail (des femmes et des hommes), et les violences envers les femmes ou fondées sur le genre, aujourd’hui centrales dans les revendications féministes, se sont-elles aussi trouvées intégrées au champ sanitaire. De même, l’activité physique s’affirme-t-elle comme vecteur de santé et de mieux-être, selon des dynamiques renouvelées autour du sport considéré dans une dimension préventive ou thérapeutique. D’autres épidémies ont été pensées comme “fin du monde” ou à l’inverse leur dépassement promesse d’un monde meilleur. Du point de vue du genre, comment lisons-nous cette inflexion sanitaire ? Comment la pensée du soin a-t-elle pu constituer la promesse d’un avenir « guéri et meilleur »?  Ce mouvement se traduit-il de nos jours en une hyper-biologisation, ou au contraire offre-t-elle l’opportunité de promouvoir pour nos futurs la valeur politique et le pouvoir de transformation d’une réflexion sur les rapports de genre ? Quelle est la part d’affichage dans les politiques publiques lorsqu’il y est question de genre en même temps que de santé ? La focalisation sur le travail de care au cours de la pandémie a-t-elle permis ou non des avancées significatives ? Dans quelle mesure les perspectives ouvertes par le « sport sur ordonnance » et la prescription médicale d’activité physique peuvent-elles influencer la (dé)construction genrée de la vulnérabilité et de la dépendance ? En quoi le prisme des études de genre contribue-t-il à la réflexion dans le chantier du vieillissement et de la prise en charge des personnes âgées ?

Axe 3. Numérique – IA – Technologies 

Au sein de cet axe, on s’attachera à dissiper l’illusion encore fréquente de la neutralité des nouvelles technologies en termes de genre, pour s’intéresser aux nouvelles formes d’émancipation mais aussi aux nouveaux risques d’aliénation qu’elles impliquent. Si les « FemTech », leurs applications et leurs objets connectés portent des promessesde maîtrise de l’ordre biologique, elles soulèvent des problèmes de vie privée, de sécurité et de nouveaux stéréotypes. De même, la télédildonique, les apps de rencontre, les sexbots d’un côté traduisent de nouvelles aspirations, de l’autre manifestent et accentuent de manière acritique les représentations sur le genre et les sexualités. Ce Congrès pourrait également être le lieu d’une réflexion sur la manière dont les SexTech modifient les frontières entre sujets et objets sexuels. Plus généralement, quelles utopies conforment ou devraient conformer la technique et la science dans leur pouvoir d’agencer le futur ?

Axe 4. Sexualité – Corps – Reproduction

Créatrice d’asymétries entre les sexes et les sexualités, la co-construction du genre et de la sexualité est aujourd’hui interrogée par la croissante mobilité et fluidité des identifications de genre et de sexualité, notamment chez les jeunes, qui mettent en cause le binarisme et le fixisme du genre. La diversification des parcours et des expériences affectives et sexuelles contribue à cette remise en cause, notamment chez les femmes. Si l’idée d’une diversité des sexualités devient ainsi une évidence, quelles sont les manières dont elle peut s’inscrire dans le futur entre une spécificité revendiquée ou une pansexualité unificatrice ? Les innovations technologiques et médicales dans le domaine de la procréation permettent de décomposer les différents ressorts de la paternité et de la maternité et ouvrent la perspective de desserrer les liens entre sexe, identité de genre, fonction procréative et rôle parental. Agissant sur les contraintes biologiques de la reproduction elles recèlent la possibilité de s’en affranchir et interrogent nos futurs rapports au corps, au sexuel et à l’engendrement. Enfin, les expressions transidentitaires et intersexes sont devenues un des domaines qui font le plus réfléchir à d’autres futurs du genre, des sexualités et de la procréation.

Axe 5. Violence – Pouvoir – Conflits 

« Nous sommes l’opposition à la guerre, au patriarcat, à l’autoritarisme et au militarisme. Nous sommes l’avenir qui prévaudra » déclaraient des féministes russes peu après le début de l’offensive russe en Ukraine (manifeste du 27 février 2022). Ces mots invitent à interroger les liens historiques entre féminisme et pacifisme, et les lectures féministes de la violence, renouvelées ces dernières années à la faveur de la diffusion du terme de féminicide. D’un côté, ce concept vient dire combien la domination masculine peut interdire le futur à celles qui en sont victimes. D’un autre côté, le mouvement de dénonciation des violences sexuelles généré par #metoo a permis de mettre en lumière le silence et l’impunité autour des violences faites aux femmes. Partout à travers le monde, des féministes se mobilisent pour faire avancer les luttes contre les violences, aussi bien dans une optique de prévention que de réparation (pour les victimes). Les avancées obtenues, notamment sur le plan juridique, peuvent-elles laisser imaginer/espérer l’éradication des violences ? Comment penser la violence de genre entre un « No futur » et l’horizon d’un monde pacifié ?

Axe 6. Travail – Formation

La crise sanitaire et les confinements successifs ont largement impacté le rapport au travail, à l’éducation et à la formation, provoquant un accroissement des inégalités de genre perceptibles à travers différents types de phénomènes (dont la généralisation du télétravail et des études à distance creusant les inégalités femmes/hommes ; l’ambivalente visibilité des métiers occupés majoritairement par les femmes en première ligne dans la gestion de la crise ; l’invisibilité de l’accroissement du travail domestique, du travail familial et du travail de care pesant prioritairement sur les femmes, etc.). La crise sanitaire durable, agissant comme un miroir grossissant des inégalités, permet de reposer de manière centrale la question des évolutions majeures et des recompositions futures du marché du travail ainsi que du champ de la formation du point de vue du genre. Dans quelle mesure l’approche genrée du télétravail et de la formation en distanciel réinterroge-t-elle les pratiques ordinaires, les rapports au savoir, les parcours d’études ou les carrières ? La crise, comme dans le passé d’autres événements (innovations, guerres ou blocus, modification majeure de l’emploi) a montré des capacités aussi rapides que substantielles de l’organisation du travail.Cette expérience pourrait-elle conduire à repenser le travail dans un sens qui soit plus favorable à la vie familiale et, par conséquent, moins discriminant pour les femmes ? Au-delà de la crise actuelle, ce congrès souhaiterait faire le point sur les promesses passées d’un futur inachevé quant aux formations sur le genre, qui se sont progressivement implantées dans les cadres scolaires, universitaires et professionnels… avec quels effets, pour quels publics et face à quels obstacles ? C’est aussi là l’occasion d’interroger les utopies éducatives, à la fois du côté des projets qu’elles portent, des impensés qu’elles révèlent et des pédagogies critiques qu’elles développent.

Axe 7. Cultures – Productions culturelles – Langages

Le travail sur les langues, les représentations, les fictions est par excellence un espace de possibles pour imaginer les futurs, se lancer dans les prospectives les plus sombres jusqu’aux plus fantaisistes, dire ces avenirs espérés, rêvés, craints, alternatifs ou différents. Queer, trans, féministes, inclusifs et plus, ces avenirs multiples et alternatifs se disent, se racontent ou se matérialisent dans des créations linguistiques ou artistiques qui réinvestissent ou réinventent des terrains pour envisager d’autres mondes. Comment ces productions ont-elles contribué et contribuent-elles encore à créer, façonner et dire ces possibles, dans toute leur diversité et complexité ? De quelles façons repenser les concepts d’avant-gardisme et de modernité qui ont marqué nos histoires et historiographies culturelles ?

Axe 8. Espaces – Mobilités – Mondialisation

La féminisation des mobilités interroge les échelles d’analyse pertinentes pour comprendre les évolutions en cours, du transnational et des territorialités mondiales en réseaux aux échelles locales et micro-locales. De même, les bouleversements géopolitiques, à l’origine de flux migratoires intenses, amènent à réinterroger les notions de lieu, d’échelle, de frontière, et d’identité. Plus de trente ans après la fin de la guerre froide, et l’extension de la doxa néolibérale arrimée aux phénomènes de mondialisation, le « tournant global » des sciences sociales est allé de pair avec une attention plus poussée aux nouvelles frontières spatiales, sociales, économiques. Que disent, à l’aune du genre, ces frontières de sociétés qui se pensent menacées, conquérantes, protégées, ouvertes ? Les réflexions autour de l’espace et du genre sont entrées dans le domaine supposément « privé » –  ou domestique – ouvrant de nouvelles perspectives de recherche sur la géographie de l’intime, du domestique ou du familial ; de la même manière, les espaces publics sont appréhendés désormais selon leur partition sexuée et de genre, jusque dans les actions publiques relatives aux transports, aux aménagements urbains : quel futur souhaité, ou d’emblée contraint, se dessine à cette aune ?

Axe A de la SCR Arpege – UT2J. Genre et Sciences 

Les sciences sont fortement mobilisées dans cette période de crise que ce soit dans la prospective ou les réponses à apporter aux problèmes du temps présent. Même si les agences de financement scientifiques ont intégré la dimension du genre, les sciences intègrent-elles les femmes ? Ont-elles corrigé les biais de genre qu’a révélé la critique féministe des sciences ? Les études sur les sciences du passé peuvent-elles nous guider pour les éviter ?

Axe B de la SCR Arpege – UT2J. Etudes LGBTQI+

L’actualité dense des mouvements et des études LGBTQI+ et transféministes travaille le futur des luttes pour l’émancipation de genre. Comment s’articulent-elles ou en quoi déplacent-elles l’horizon historique du féminisme ? Du militantisme LGBTQI+ aux micro-résistances des sujets concernés dans leurs négociations du quotidien avec les normes, que fait l’agentivité sexo-dissidente aux formes de socialisation, processus de subjectivation, etc.?, quels enjeux pour la résistance culturelle dans le renouvellement de l’imaginaire des luttes ?

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