Résumé scientifique 

Le projet « Économies parallèles en détention » de Jules Ramage s’intéresse aux circuits et échanges qui se développent au sein d’une communauté de femmes en milieu carcéral, dans le cadre d’une collaboration avec la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis. L’artiste-chercheuse se concentre sur les relations entre capitalisme et féminisme et sur les dynamiques croisées d’oppression pesant sur les femmes détenues. À travers un programme associant sessions créatives et interventions d’artistes et de chercheuses, les participantes s’approprient les outils de la création artistique, de la recherche en sciences sociales et de l’écriture radiophonique pour mieux penser leurs propres conditions de détention. Cette université d’été est dédiée non à la formation, mais au croisement des savoirs, des compétences et des parcours de chacunes pour une meilleure compréhension citoyenne de notre société.

Accompagné et accueilli par Bétonsalon, centre d’art et de recherche basé à Paris, où se tiendront des restitutions d’étape du projet sous forme d’évènements publics, ce programme permettra la production de podcasts avec la webradio *DUUU et d’une performance radiophonique.

L’action

Ce projet se concentre sur les liens entre capitalisme et féminisme et sur les dynamiques croisées d’oppression pesant sur les femmes détenues, dans le cadre d’une collaboration avec la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis. Comme le souligne le sociologue Arnaud Gaillard, les femmes représentent 4% de la population carcérale ; le régime pénal se définit ainsi au regard du genre masculin, l’organisation carcérale étant avant tout « l’expression de la puissance et de l’autorité à travers un langage genré qui rappelle les mécanismes de domination de la société du dehors ». De son travail de terrain, Arnaud Gaillard déduit aussi une importante proportion, parmi les homicides ou tentatives d’homicides commis par des femmes, des manifestations de protection ou des expressions de vengeance à l’égard d’hommes dont elles ou leurs proches ont été victimes (Arnaud Gaillard, « Regard sur le genre et les violences en milieu carcéral »). Le système pénal, et en particulier, la structure des économies formelles et informelles qui se déploient en détention, engendrent ainsi violences et inégalités en reproduisant les logiques d’oppression de la société extérieure. Partant de ces constats, le projet repose sur l’élaboration d’un espace permettant des échanges ouverts et intimes : un programme associant lectures théoriques et sessions créatives, interventions d’artistes et de spécialis-tes des sciences humaines, qui invite les détenues participantes à s’approprier les outils de la création artistique et de la recherche en sciences sociales pour mieux penser la place des femmes dans la société actuelle.

Les objectifs

Ce projet propose de prendre la création artistique et littéraire comme une base pour interroger des mécanismes d’oppression économique passant, de manière très concrète, par les corps et par la langue : la censure portant sur l’expression du désir sexuel en détention, le dénuement des femmes victimes qui cherchent à fuir leur foyer, la situation complexe des travailleuses du sexe en constituent trois exemples forts. A travers ces pratiques, il s’agit ainsi d’ouvrir un espace de parole citoyenne, de témoignage collectif portant, entre autres, sur :

+ L’expression du traumatisme lié aux violences sexuelles, et en particulier conjugales ou intrafamiliales ;

+ Le croisement des logiques d’oppression économiques et sociales pesant sur les femmes racisées, qui les rendent particulièrement vulnérables.

Méthodologie et livrables

Dans le cadre du projet ont été menées 48 heures d’ateliers à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, pour un total de 10 femmes détenues. Ces sessions sont élaborées selon la triple méthodologie initialement prévue :

+ La mise en place d’ateliers de création collectifs menés par des artistes et autrices dont la pratique est à la fois pluridisciplinaire, collaborative et profondément inscrite dans les problématiques sociales et politiques actuelles, en particulier les questions de genre ;

+ L’invitation de spécialistes des sciences humaines permettant l’ouverture d’un dialogue entre chercheuses expertes des problématiques féministes, activistes et participantes détenues : la création littéraire et artistique est alors pensée comme un processus de co-construction et de circulation des savoirs entre spécialistes, artistes et femmes détenues. Cette méthodologie refuse toute hiérarchisation dans le rapport à la connaissance ou à la langue et valorise le rapport de chacun.e à son ou ses langage.s, ses compétences, ses points de vue sur le monde.

+ L’enregistrement du travail en train de se faire et des débats qu’il génère.

Les modalités de cet enregistrement ont cependant été débattues avec les participantes détenues lors de la première session d’atelier. La nature de la captation sonore leur est apparue, par essence, comme les plaçant dans une situation de vulnérabilité, car si la méthodologie du projet permet la production conscientisée d’une parole collective, elle implique aussi la mise en perspective d’un quotidien douloureux. Plutôt que d’utiliser l’enregistrement audio comme un outil permettant le travail de la langue et la circulation de la voix à l’extérieur des murs, les participantes ont privilégié le médium texte, qui leur permettait une relecture des échanges. Les trois podcasts, ainsi que le double plateau public initialement prévus sur le site de *DUUU, à la Villette et en ligne ont ainsi été repensés pour correspondre aux souhaits des participantes. Les formats développés pour cette première session sont ainsi de deux ordres :

+ Une installation constituée d’une série de tirages texte-images sur métal ;

+ Un film 3D (en cours d’écriture). Le partage de contenu, initialement prévu sous la forme d’un contenu audio en partenariat avec la webradio *DUUU, est ainsi reconfiguré sous la forme d’une oeuvre prévue pour la mise en ligne, relayée par les outils et les réseaux propres aux partenaires du projet, universités et institutions culturelles reconnues : Bétonsalon-Centre d’art et de recherche, les Ateliers Médicis, l’université Panthéon-Sorbonne, Université Paris Cité et la Cité du Genre.

Ces livrables ont été présentés lors d’une double restitution au centre d’art et de recherche Bétonsalon et à la Cité internationale des arts de Paris.

Voir le bilan en cliquant ici.

Ce projet a bénéficié du soutien financier de la Cité du Genre.

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