Dans le cadre du Mois des égalités à UPCité, autour d’une table, la Cité du Genre propose de discuter des enjeux de mémoire, de genre et de prévention qu’ont soulevé et soulèvent encore les deux grandes épidémies marquantes de notre époque contemporaine : le sida et la Covid.

Autour d’une table-ronde animée par Mathieu Duplay, Professeur de littérature américaine à Université Paris Cité, débattront notamment

  • Laetitia Atlani-Duault, anthropologue, directrice de recherche au CEPED (Université Paris Cité, IRD) et présidente de l’Institut Covid19 Ad Memoriam (IC19AM)
  • Enrique Casalino, infectiologue, chef de service, Service d’accueil des urgences, Hôpital Bichat-Claude Bernard AP-HP
  • Gabriel Girard, sociologue et chargé de recherche INSERM au SESSTIM, spécialiste de la prévention du VIH et de la santé des minorités sexuelles et de genre

Evénement co-organisé par la Mission ÉgalitéS et le Pôle santé de la Cité du Genre

Date:
Mardi 21 mars 2023, 18h-19h30
Lieu:
Campus des Grands Moulins – Bâtiment Sophie Germain, Amphi Turing, Pl. Aurélie Nemours, 75013 Paris

Inscription:
manager@citedugenre.fr

Argumentaire

Selon Sarah Schulman, romancière américaine et ancienne militante d’Act Up-New York, il faut distinguer deux pandémies de sida : le sida du passé et le sida du présent ; « aucune des deux n’est terminée », ajoute-t-elle. Par là, Schulman entend bien sûr mettre l’accent sur la rupture opérée par l’invention des trithérapies qui, depuis 1996, ont radicalement transformé le pronostic de bien des séropositifs.ves : aujourd’hui, en France, on ne meurt plus du sida comme il y a trente ans. La question qu’elle pose est aussi celle de la mémoire : de l’hécatombe d’avant 1996, que reste-t-il dans la conscience de générations qui, pour certaines, n’en ont pas été témoins ? Et un oubli commode n’est-il pas venu s’ajouter au déni qui, dès cette époque, empêchait la juste prise en compte de la catastrophe en train de se produire ? Enfin, Schulman interroge la place des personnes atteintes, bien souvent invisibilisées dans une société qui peine à se souvenir de leur existence, à leur donner un visage et un nom, tout en se refusant à nommer une maladie qui n’a pas disparu : « The AIDS crisis is still beginning » (« la crise du sida ne fait que commencer »), ne cesse de rappeler l’artiste séropositif Gregg Bordowitz (actuellement exposé au Palais de Tokyo).

Troublantes, ces questions résonnent d’une manière particulière alors que, depuis l’émergence du covid, le monde fait face à une autre pandémie. A priori, beaucoup de choses distinguent ces deux maladies : leur mode de transmission, leur létalité, l’état de la recherche sur les stratégies thérapeutiques et vaccinales… Beaucoup les rapproche pourtant. Comme le sida, le covid frappe plus durement les personnes fragilisées par différentes formes d’inégalité et de discrimination, tout comme il jette une lumière crue sur les défaillances des systèmes sanitaires et sur l’insuffisance des politiques publiques auxquelles elles sont imputables. A leur tour, les personnes atteintes de covid long s’insurgent contre une invisibilisation qui freine leur prise en charge ; et diverses formes de déni s’imposent tandis que de nouveaux variants du virus continuent de se diffuser dans une société qui veut croire que la pandémie est derrière elle. Surtout, la réalité présente tend à la fois à raviver et à occulter le souvenir d’un passé dont l’empreinte demeure même quand il est renvoyé dans l’implicite. D’un côté, on entend dire que le covid serait « la première pandémie depuis la grippe espagnole », comme si le VIH n’existait pas ; de l’autre, on constate que des réflexes de lutte communautaire, acquis pendant les « années sida », font la preuve de leur pertinence dans un contexte marqué par de nouveaux risques infectieux. A l’ignorance plus ou moins choisie, s’opposent ainsi des savoirs incarnés de la maladie, souvent détenus par des groupes stigmatisés qui, face à l’adversité, ont appris à se faire acteurs et sujets de leur propre destin ; et c’est là une leçon du sida qui, dans le contexte pandémique des années 2020, pourrait se révéler d’une grande utilité.

 

Voir le programme de la troisième édition du « Mois des égalités »

 

 

 

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