LA CRISE DU SIDA À BERLIN (1980 À NOS JOURS)
URGENCE MÉDICALE, DISCOURS POLITIQUES ET PRATIQUES MÉMORIELLES
Atelier topographique d’histoire sur le terrain pour jeunes chercheur·euse·s
Du 6 au 12 juin 2022 Centre Marc Bloch e.V., Friedrichstraße 191, 10117 Berlin
Une collaboration entre le Centre d’Histoire de Sciences Po, Paris (Elissa Mailänder), le Centre Marc Bloch e.V., Berlin (Aurélie Denoyer) et le Laboratoire ICT / Les Europes dans le monde, Paris (Patrick Farges).
Atelier soutenu financièrement par l’Université franco-allemande et la Cité du Genre, IdEx de Paris, ANR-18-IDEX-0001.
Cet atelier topographique s’adresse à des doctorant·e·s et post-doctorant·e·s s’inscrivant dans les sciences humaines et sociales ou les sciences médicales et travaillant sur les maladies, les épidémies, la santé sexuelle, les sexualités, les addictions, les mouvements sociaux, la représentation de la maladie par les arts etc. L’ambition de l’atelier est de faire intervenir, d’une part, des spécialistes de la sociohistoire et d’histoire culturelle du sida ; d’autre part de rencontrer des spécialistes (médecins, muséographes, travailleurs sociaux/travailleuses sociales) et de visiter des lieux emblématiques. Il s’agira aussi de construire une réflexion commune dans une ville – Berlin – particulièrement marquée par la crise du sida et qui se prête à des comparaisons multiples (Paris, New York, Londres). La langue de travail sera le français (et occasionnellement l’anglais). L’actualité épidémiologique et les défis posés à la santé publique nous incitent en effet aujourd’hui à réexaminer une autre pandémie : celle du sida. En 1981, une forme particulière de pneumonie était diagnostiquée, d’abord aux États-Unis, puis en Europe, principalement chez les hommes homosexuels, qui devait provoquer, et pour des années, une « épidémie de signification » (Paula Treichler, 1987), où le pire des sociétés rencontra le meilleur. Dans ce contexte de « panique sexuelle » et d’urgence médicale, sanitaire et sociétale, le milieu associatif et militant, les arts et la littérature mais aussi l’activisme culturel ont en effet constitué des pôles de résistance et de solidarité, en réponse à l’inaction des pouvoirs publics, à l’impuissance de la médecine et à des discours et pratiques d’exclusion et de stigmatisation. Le sida se caractérise par une forme de paradoxe : si les discours médiatique et scientifique des années 1980-1990 ont fortement marqué les sociétés occidentales, la transmission de la mémoire de la crise du sida est, jusqu’à nos jours, complexe et les réflexions interdisciplinaires, au croisement des sciences humaines et sociales, des sciences naturelles et de la médecine commencent seulement à s’imposer. De même, l’expertise et la recherche sur le sida s’inscrivent le plus souvent dans un cadre national. La perspective proposée ici interroge le sida comme un phénomène multiple et croisé. À ce titre, la ville de Berlin apparaît comme un important noeud européen, voire transatlantique. Ville-palimpseste, Berlin garde les traces vives de la séparation Est/Ouest : à partir de la problématique du sida dans la ville, nous souhaitons partir à la recherche des traces laissées dans le tissu urbain. En 1985, des militant·e·s créent le Schwules Museum (musée gay) dans un quartier périphérique de Berlin-Ouest, Kreuzberg, et commencent un travail de collecte de fonds privés ayant appartenu aux morts du sida. Trois ans plus tard, la première exposition artistique en Europe consacrée au sida se monte à Berlin-Ouest : le commissaire en est Frank Wagner, passeur transatlantique. Une autre exposition suivra en 2013 (« LOVE AIDS RIOT SEX »). À l’Est, après avoir d’abord nié l’épidémie comme « phénomène capitaliste » et loué le mur comme système de protection, la RDA met en place une politique de traçage des malades et de leurs contacts. Une première exposition sur ce thème est organisée au Deutsche Hygiene-Museum der DDR en 1988, prônant une morale sexuelle conservatrice comme meilleure protection contre le virus. À l’Ouest, si certaines figures politiques (comme la ministre de la Santé Rita Süßmuth) défendent une politique de prévention active, l’exposition et la transmission du VIH sont en revanche poursuivies pénalement. En 1989, la chute du mur, qui surprend tout le monde, fait de Berlin un carrefour des communautés LGBT*, qui ont vécu la crise du sida de manière très différente. Quelles interprétations culturelles peut-on tirer d’une réflexion topographique et matérielle sur le sida dans la ville ? Qui furent les invisibles du processus mémoriel ? Comment conserver les archives du sida sans reproduire les catégorisations et exclusions politiques, sociales et médicales visant les « groupes à risque » ? Quelles pratiques mémorielles s’ouvrent à nous ? Comment faire une recherche inclusive sur le sida ? Le choix des lieux visités (musées, institutions, archives, lieux de mémoire, associations) permettra d’établir des liens entre histoire, recherche et société, et de fournir des terrains pour une réflexion collective et transnationale. Liste (non exhaustive) des intervenantes et intervenants : Thibault BOULVAIN (histoire de l’art, Centre d’histoire de Sciences Po), Sarah KIANI (sociologie/étude genre, documentariste, Université de Neuchâtel), Jean-François LAPLENIE (études littéraires, Sorbonne Université), Adrian LEHNE (didactique de l’histoire, Freie Universität Berlin), Sophie LESPIAUX (sociohistoire/muséographie, Université de Paris Cité), Sébastien TREMBLAY (histoire/études queer, Freie Universität Berlin). Déroulement de l’atelier : L’atelier d’une semaine est conçu pour un public (post-)doctorant intéressé et issu des sciences humaines et sociales ou des sciences médicales, afin d’encourager le dialogue interdisciplinaire. Il sera un lieu de pratique de l’histoire in situ valorisant l’initiative participante et le dialogue entre spécialistes et chercheur·e·s. Une brochure de textes (reader) distribuée au préalable constituera la base théorique et méthodologique commune destinée à fournir un bagage pour les visites topographiques et nourrir les débats. Le programme se veut interactif, alternant visites et analyses des lieux historiques, discussions et travail de groupe en autonomie.
Dates et détails techniques : Dates : du 6 au 12 juin 2022 Lieu : Centre Marc Bloch e.V., Friedrichstraße 191, 10117 Berlin Le nombre de participants est restreint à 16 personnes au maximum, afin de laisser la place aux discussions.
La langue de communication sera le français (et occasionnellement l’anglais).
Les frais de voyage et d’hébergement des participant·e·s seront pris en charge.
Modalités de candidature : Les personnes intéressées sont priées d’envoyer jusqu’au 31 mars 2022 au plus tard une lettre de motivation ainsi qu’un CV d’une page à l’adresse suivante : denoyer@cmb.hu-berlin.de